Un spectacle très original à mi-chemin entre danse, théâtre, performance et seule en scène.
Au départ, c’est l’histoire d’une fille qui achète une place pour aller voir le spectacle d’un ami qui vit en Amérique et le rate… A partir de cet échec, ou plutôt de cette inadéquation entre un vague désir et sa réalisation, se déroule alors tout un scénario, proche de l’autofiction, qui met en scène dans un curieux « one woman show » Aude Lachaise et son double au plateau, ou une femme et son monologue intérieur.
Malgré un texte omniprésent, écrit par la « chorégraphe » elle-même, Laurent, n’est pas tout à fait du théâtre. A cause justement de cette faille permanente entre le récit dela vie intérieure d’une femme, marquée par une multitude d’inquiétudes, de perturbations qui laisse deviner un espace mental agité. Il y a dans cette parole pleine de doutes et mal assurée de quoi donner de la place au corps. Et c’est en cela qu’Aude Lachaise est avant tout chorégraphe et non pas humoriste. Car bien sûr, il y a une dimension comique assez proche d’une Blanche Gardin dans Laurent. A la fois par son absurdité revendiquée et son féminisme implicite. Mais il y a aussi et surtout l’engagement physique d’Aude Lachaise, sa gestuelle un peu foutraque et très travaillée qui donne un charme singulier à la pièce. L’ensemble est plutôt drôle, léger, comme une sorte de tragi-comique existentiel, avec une part d’autodérision.
En tout cas, c’est une forme de spectacle tout à fait original, hors normes, flirtant avec la transgression du bon goût, mais se moquant aussi des codes du spectacle vivant. La danse y est minimale mais suffisante, le théâtre merveilleusement insuffisant, et la musique insignifiante et pourtant c’est exactement ce mélange qui nous plonge au cœur de l’émotion dans une tragicomédie existentielle.
Agnès Izrine Danser Canal historique